Gagner la confiance de la communauté dans la lutte contre Ebola
Butembo (RDC), 22 janvier 2020 - « Pourquoi Ebola dure autant ? », demande un homme lors d'une réunion communautaire à l'extérieur de la ville de Butembo, dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).
En écoutant les préoccupations de la communauté comme celle-ci, Hamadou Boiro, chef de l'équipe d'anthropologues sociaux de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), répond de manière concise : « C'est parce qu'il y a des gens dans votre communauté qui refusent de croire qu'Ebola existe et qui refusent de se faire soigner. »
Méfiance et doutes persistants
Depuis que l'épidémie a été déclarée en août 2018, les équipes d'intervention ont rencontré des difficultés dans leurs efforts pour la maîtriser. En 2019, l'OMS a enregistré environ 390 attaques contre des établissements de soins de santé. Ces attaques ont fait 11 morts et 83 blessés parmi le personnel de santé.
En février 2019, les centres de traitement d'Ebola dans les villes de Butembo et Katwa ont été brûlés à deux reprises, et en mars, ils ont tous deux été réduits en cendres. Richard Mouzoko, un médecin travaillant pour l'OMS, a été attaqué et tué en avril lors d'une réunion à l'hôpital universitaire de Butembo.
Ces attaques ont souvent fortement entravé les opérations, ce qui a permis à Ebola de s'enflammer. Les récentes attaques armées à Beni, Biakato et Mangina menacent les efforts déployés pour contrôler la propagation du virus dans les points chauds.
Les incidents résultant de la réticence des communautés à la réponse à Ebola ont culminé en juin 2019, avec 371 incidents enregistrés. Une enquête sur l'engagement communautaire a révélé un manque de confiance significatif envers les intervenants : environ 36% des répondants faisaient confiance aux intervenants Ebola, un tiers niait l'existence d'Ebola et 30% n'étaient pas au courant de la maladie. Quelque 33% des personnes interrogées croyaient aux rumeurs concernant le vaccin contre Ebola.
Plus de 80% des personnes interrogées avaient entendu des rumeurs sur les centres de traitement d'Ebola, et de nombreuses personnes ont déclaré avoir peur d'y mourir.
Mwami Saidi Katwa faisait partie d'un groupe de chefs traditionnels de Kalonge, au Sud-Kivu, qui ont rencontré Boiro récemment. Il s'est plaint que les équipes d'intervention rapide n'avaient pas réussi à dialoguer correctement avec lui et les autres chefs. Tirant les leçons des erreurs initiales, l'OMS a alors commencé à mieux collaborer avec les équipes communautaires.
« Si seulement les équipes avaient commencé par obtenir le soutien des chefs traditionnels, leur expérience avec la communauté aurait été plus positive », a déclaré Katwa.
Renverser la tendance
Pour renverser la situation, une équipe d'anthropologues sociaux dirigée par Boiro a été envoyée dans les communautés les plus réticentes pour prendre connaissance de leurs préoccupations et ouvrir la voie à d'autres collègues œuvrant dans la mobilisation communautaire. L'équipe est en grande partie composée de ressortissants congolais qui connaissent la culture et les coutumes locales et qui parlent la langue locale.
« Notre principal avantage est que nous comprenons la culture et que nous nous en imprégnons. Dans de nombreux cas, nous rendons d'abord visite aux chefs et à leurs communautés pour faciliter leur implication, puis nous expliquons leurs préoccupations à nos collègues", déclare Boiro.
Les chefs traditionnels et religieux sont une partie importante du processus de dialogue. Ils donnent le ton à toute la communauté.
Grâce aux efforts déployés par des équipes telles que celle dirigée par Boiro, la population est plus réceptive, bien qu’elle s'inquiète toujours de ne pas pouvoir effectuer les rituels d'enterrement comme auparavant et continue de nourrir des doutes sur les symptômes d'Ebola ou sur ce qui se passe lorsqu'un patient est soigné dans un centre de traitement d'Ebola. L'épidémie actuelle est la dixième de la RDC et la deuxième pire au monde.
Bien que les gens s'inquiètent toujours de ne pas pouvoir effectuer les rituels d'enterrement comme auparavant et continuent de nourrir des doutes sur les symptômes d'Ebola ou sur ce qui se passe lorsqu'un patient est soigné dans un centre de traitement d'Ebola, ils s'ouvrent peu à peu grâce aux efforts déployés par des équipes telles que celle dirigée par Boiro. L'épidémie actuelle est la dixième de la RDC et la deuxième pire au monde.
Lors de la réunion communautaire, Boiro et l'homme qui voulait savoir pourquoi Ebola était persistant approfondissent les discussions tandis que les autres écoutent attentivement. Il s'avère que certains avaient initialement cru aux affirmations d'un politicien local, surnommé le Pilier de Butembo. En décembre 2018, ce politicien avait déclaré à ses partisans que la maladie avait été inventée par le gouvernement comme excuse pour annuler le vote présidentiel dans les zones touchées par le virus Ebola. Pour une population qui a enduré des années de traumatisme et de violence, c’était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Les gens ont exprimé leur frustration sur les intervenants pour de nombreuses raisons, se souvient-il. « Certains pensaient qu'Ebola avait été inventé pour que les étrangers puissent en tirer profit ; d'autres mettaient la maladie sur le compte de la sorcellerie et d'autres encore soupçonnaient que l'épidémie avait été programmée pour servir d'excuse au report de l'élection présidentielle de 2018 [qui a été annulée à Butembo, Beni et Yumbi]. »
Malgré quelques confrontations, les anthropologues et les équipes de mobilisation communautaire ont persévéré dans la réponse aux craintes exprimées par les habitants. Progressivement, la stratégie consistant à nouer le dialogue et à écouter attentivement les chefs et les différents groupes communautaires a porté ses fruits. Même l'homme de la réunion communautaire était convaincu. À la fin de la discussion, il a approché Boiro et son équipe pour leur dire qu'il avait compris ce qu'ils avaient à dire et leur a proposé de collaborer avec eux pour atteindre d'autres communautés.
« J'apprécie vraiment la façon dont vous respectez nos coutumes », a déclaré le chef traditionnel Katwa à Boiro.
« Chaque culture a sa propre façon de faire. En faisant preuve de respect pour notre culture, vous bénéficiez d'une protection et vous pouvez accéder à la communauté. A partir d’aujourd’hui, vous pouvez compter sur mon soutien pour lutter contre l’épidémie d’Ebola. »